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LA MAISON

d’une chanson qu’elle se chantait souvent en songeant à l’avenir :

Toi que j’ai rencontrée au bord des flots amers,
Inconnue,
Toi qui pour te bercer au rythme de mes vers,
M’es venue,
Voici que je t’adore… etc.

Cette chanson avait donc été vécue ?

Le fiancé d’Anne aurait pu l’écrire lui-même, car, perfection suprême, il était poète.

— Est-il beau, demanda Gabrielle.

— Je ne l’ai vu que de loin. Il est grand et brun.

Gabrielle ordonnait à mesure les matériaux du roman : très grand, très brun, poète, revenant d’Europe. Elle le voyait, le visage bronzé, lisse, une moustache fine, des lèvres rouges, des dents blanches ; délicat, galant, le sourire tendre et souvent grave, cependant ; car il était un peu plus âgé que la jolie jeune fille, afin d’être gentiment paternel avec elle. Dieu ! quelle idylle parfaite. Gabrielle aimait et pleurait les deux héros que la mort avait séparés.

— L’hiver, nous les voyions patiner ensemble. Lui devait d’abord s’établir à Québec ; à son retour de Paris, il avait modifié ses plans. À cause d’elle, il était venu à Montréal.

Gabrielle enregistrait chaque détail. Elle écoutait la voix de sa cousine et en elle, la voix de