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AUX PHLOX
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son âge émerveillé en disait plus long encore, nuançait, poétisait. Elle les voyait patiner la main dans la main ; elle voyait le sourire heureux de la belle jeune fille ; ses cheveux blonds moussaient sous un béret de velours noir, elle levait tendrement les yeux vers son prince charmant. Lui se penchait vers elle. Deux visages enchantés devant l’avenir ouvert devant eux comme un coffre magique contenant des joies inépuisables. Gabrielle les imaginait encore marchant serrés l’un contre l’autre, dans un beau paysage de neige et sous un lumineux clair de lune ; elle voyait leurs silhouettes dressées en noir sur un couchant rouge.

Un couchant rouge comme celui dont les rayons passaient par-dessus le gris des toits et entraient dans la chambre bleue…

Pourquoi l’enfance était-elle une route si ennuyeuse et si longue ? pensait Gabrielle en calculant le temps que durerait encore son âge ingrat.

La petite Anne allait franchir, au bras de son prince charmant, le seuil de la maison du bonheur, quand, ô pitié, elle était morte.

— Elle est morte en un mois. Il allait la voir tous les jours ; il lui apportait les plus belles fleurs. On dit qu’il est inconsolable.

— Inconsolable, répétait Gabrielle.

Elle regardait toujours le petit portrait.