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LA MAISON

Dans le minuscule train de son père, jusqu’à L’Épiphanie, d’ailleurs, elle était d’abord bien en sûreté, même assise sur le marche-pied du wagon, les jambes pendantes, aspirant les odeurs des champs de trèfle et du bois des écoliers, se penchant vers les coulées que de petits ponts traversaient…

À L’Épiphanie, son père était censé l’installer dans le rapide du Pacifique, mais le plus souvent elle s’y installait allègrement toute seule. Elle n’avait pas de billet ; inutile aussi de la recommander au contrôleur. Quand ce contrôleur survenait, elle levait le nez en souriant. Elle était la vivante réplique de son père. Celui-ci jouissait d’un « laissez-passer » de famille sur le Pacifique. Gracieuseté, entre confrères d’inégales grosseurs !

Du reste, la filleule n’était pas plus haute qu’une botte.

Sans être certaine d’être à l’aise et heureuse chez sa marraine, la filleule aimait pourtant y aller. Si Estelle y séjournait aussi, ensemble elles s’amusaient beaucoup. Si Estelle n’y était pas, Marie-Thérèse suivait les grandes cousines avec la conscience bien définie d’être pour elles un embarras. Sa marraine, grand’mère une multitude de fois, était un peu blasée sur les charmes de l’enfance. Des filleules, elle en possédait