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AUX PHLOX
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trop pour pouvoir les aimer passionnément. Celle-ci passait avec les autres.

Mais l’oncle Michel était intéressant. Il cousait des robes de dames. Le boudoir se remplissait de visiteuses élégantes venues uniquement pour lui. Il connaissait le monde entier ; il habillait les femmes des plus hauts magistrats ; il était célèbre. Il racontait avec une inimitable mimique des tas d’histoires, dont quelques-unes n’étaient pas pour les enfants. Il pétillait d’esprit.

Un jour, une dame lui apportait une robe de soie à refaire. Elle essayait de le convaincre qu’il pourrait en créer une merveille ; elle s’extasiait sur la couleur, la force, le fini de cette soie un jour payée très cher. L’oncle examinait l’article avec moins d’enthousiasme. À la fin impatienté de l’éloge interminable et trop chaleureux, il interrompit sa cliente.

— Elle est belle, elle est belle, je veux bien, madame, mais j’étais beau moi aussi, quand j’étais jeune…

La soie était trop vieille. Il n’en tira qu’une blouse, une « matinée », comme il disait.

L’oncle Michel fascinait Marie-Thérèse. Il avait une tête de Bonhomme Hiver, de Père Noël ; de gros sourcils et de gros favoris blancs ; de gros yeux doux derrière des lunettes qu’il glissait sur son nez quand il parlait. Et un homme