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LA MAISON

portant un tablier et poussant une aiguille, c’était tout de même merveilleux.

Mais l’oncle disparut vers ce temps où Marie-Thérèse commençait de voyager seule. Il mourut. Il ne resta plus bientôt que son souvenir dans ce petit boudoir rouge donnant sur le balcon. Son souvenir, sa machine à coudre et la grande armoire dans laquelle il serrait son ouvrage. Peu à peu elle se remplit d’autres choses, mais elle ne cessa jamais de s’appeler « l’armoire de l’oncle Michel ». Le balcon aussi séduisait la filleule. À la campagne, jamais on ne regardait le monde d’aussi haut. Elle admirait l’école Montcalm, la rampe de pierre en pente sur laquelle glissaient à cœur de jour quelques gamins qu’elle enviait. Elle voyait passer les voitures, écoutait claquer les sabots des chevaux sur le pavé.

Quand Estelle était là, on leur permettait de descendre sur le trottoir. Bien qu’il n’y eût guère d’autos, on leur défendait de traverser la rue. Elles la traversaient tout de même quelquefois. Elles longeaient l’hospice de la Providence, ou la clôture allant vers l’église Saint-Jacques ; ou bien, elles s’aventuraient rue Sainte-Catherine. Elles connaissaient bien leur route. Elles achetaient chez Dupuis avec leurs mères. Leurs chaussures venaient toujours de chez Blanchard ; des chaussures toujours pareilles :