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AUX PHLOX
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bottines lacées l’hiver, souliers découverts, l’été. Heureux temps où, pour leur monde, les étrangers n’existaient pas.

Dans la rue Sainte-Catherine elles possédaient aussi un cousin tenant une mercerie. Mais leur cousine les intimidant, elles ne s’y rendaient que sur invitation spéciale. C’était pourtant bien agréable ; l’appartement se trouvait en haut de la Librairie Saint-Louis, d’où sortaient les livres de la Bibliothèque Rose.

Par les beaux après-midi d’été, on amenait Estelle et Marie-Thérèse à la montagne. Il fallait monter successivement dans deux tramways ; de petits tramways ouverts et balançants, aux longues banquettes en bois se faisant vis-à-vis. Un jour, on leur avait acheté un sac de pralines. Estelle et Marie-Thérèse croquaient à qui mieux mieux. Une des cousines leur suggéra d’en offrir à une enfant qui les regardait avec envie. L’enfant n’oublia pas de dire merci, mais elle prit et garda tout le sac. La grande cousine les consola :

— Je vous en achèterai d’autres.

Mais ce jour-là le festin fut fini.

Ce qui était encore ravissant, c’était l’été, de descendre jouer devant la maison après le souper. Le signal pour remonter c’était l’allumage des réverbères. Elles suivaient l’allumeur qui de sa mèche faisait jaillir dans le globe, le