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LA MONTAGNE D’HIVER

Elle ignorait encore ce qu’elle ferait plus tard, mais ne redoutait plus l’avenir.

— Inutile de chercher midi à quatorze heures, lui répétait sans cesse son hôtesse. Dieu n’exige qu’une chose. Que l’on soit disponible, confiant. Sûrement, il ne nous dispense pas de l’angoisse, l’angoisse est une grosse partie de notre condition humaine. Il faut l’offrir avec les maux. Et prier, puisque même les gens qui ne sont pas catholiques concèdent la grande puissance de la prière. Les motifs ne manquent pas. Prier pour le monde, prier pour les prêtres, pour les jeunes qui traversent à leur tour dans l’illusion, les heures difficiles où l’on choisit ! Où l’on choisit ! dans un monde où les idées sont si mêlées et si dangereuses !

Une fois, en exprimant le désir de connaître un travail qu’elle ne savait point faire, Louise avait dit : « Ma mère m’a toujours recommandé d’approfondir tout ce que je pourrais étudier, afin d’être plus utile aux autres ».

Le rouge au front, Madeleine s’était souvenue de tout ce qu’elle avait évité d’apprendre, pour justifier son égoïsme.

Louise disait aussi parfois :

— La chose la plus étonnante, dans la vie, ce sont les moments de félicité parfaite qui nous envahissent, pour de toutes petites causes. Souvent, parce que nous avons simplement achevé une tâche qui nous semblait d’avance difficile et qui nous pesait. Ou bien, pour un problème qui se règle.

La voix de sa locomotive tira la jeune femme de sa rêverie. Derrière elle, elle réentendit les rires de ceux qu’elle dirigeait, pendant que le petit François protestait :

— Eh Madame Madeleine ! vous êtes supposée rester proche de moi. Tchou, tchou, tchou…