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LA MONTAGNE D’HIVER

— Parce qu’une bonne, de nos jours, c’est en soi un miracle. Surtout une bonne qui est excellente et désintéressée. Il y a plus. Elle m’est arrivée d’une façon prodigieuse. C’est une histoire un peu longue. Je te la raconterai plus tard…

Elles entrèrent au bureau de poste, envahi par les élèves qui venaient de sortir de l’école. Tous saluaient Louise.

— Depuis combien de temps habitez-vous Les Escarpements ? Je l’ai oublié.

— Depuis trois ans. Et j’aime toujours la campagne autant qu’aux premiers jours. Ici, j’ai retrouvé le temps. Le temps de penser, le temps de prier, le temps de m’appartenir, de lire, de me reposer, de dormir si j’en ai besoin ! Et puis, le silence. Le rare silence. En ville, j’avais l’impression de m’éparpiller et le soir, je ne retrouvais même pas mes morceaux ! Le vent avait tout emporté. Que de gestes inutiles, que de paroles perdues, que d’usure sans nécessité. Ceux qui sont obligés de rester dans l’engrenage, il faut bien qu’ils y restent. J’étais libre. Je pouvais en sortir. Dieu soit loué, j’en suis sortie.

Dans une épicerie aussi moderne, aussi achalandée que les épiceries de la ville, Louise choisissait des légumes bien frais. Madeleine remarqua comme le personnel était courtois.

— Ils ne sont pas pressés. C’est peut-être leur secret. D’ailleurs, je crois que les gens, en général, sont ici d’un naturel aimable. Je ne me souviens pas d’avoir eu à me fâcher à cause d’eux…

— Pour la bonne raison que vous êtes sans doute aussi sans impatience.

— Et que je ne suis pas pressée non plus. À propos, je ne t’ai pas dit que jusqu’aux vacances de Noël, nous serons seules. Ensuite, ce sera quand même assez calme, puisque je ne reçois jamais plus que quatre ou cinq invités à la