Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/61

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Il jase avec le flot profond et les abeilles.
Sa nourrice le suit et dit souvent : « Kriçhna,
Prends garde ! » Mais l’enfant rase le bord et n’a
Point souci de la voix grondeuse qui s’effraie.

Or, près de l’eau, teignant de sang la verte haie,
Les fruits ronds d’un vimba sauvage, par milliers,
Rougissent. On pourrait croire que des colliers
De corail, au milieu des madhavîs écloses.
Ont dénoué leurs fils et semé leurs grains roses.
Sous les feuilles du blanc jasmin qui la voila
Kriçhna ne cherche plus l’abeille. Le voilà
Mordant la chair, buvant le sang des graines mûres.
Et les roux écureuils, enfuis sous les ramures,
Jaloux, songent : « Quand donc en aura-t-il assez ? »

— Fils de mon maître, dit la nourrice, laissez
Cet arbre.

Cet arbre. Mais le fils de Vaçû continue
Son repas. Une branche est déjà toute nue
Et reflète dans l’eau son squelette épineux.

— Les vimbas, quelquefois, ont des fruits vénéneux,
Mon cher seigneur !

Mon cher seigneur ! Kriçhna dépouille une autre branche.

— Dans la jatte d’ivoire où votre soif s’étanche.
Je verserai le miel odorant du mangou !

Kriçhna rit. Les deux pieds dans le fleuve, le cou
Dans les ronces, il mange et nargue le reproche
Et rit.

Et rit. La femme alors, en colère, s’approche.