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EUGÈNE MANUEL

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LA NOTE QUI PLEURE


Vous me grondez, amis, de tant parler des morts !
Ma voix, de jour en jour, traîne plus monotone :
Tels, quand l’arbre a senti les rafales d’automne,
Les rameaux dépouillés ont de plus sourds accords.

J’en parle encor trop peu : c’est le seul de mes torts !
Si je songeais à ceux dont le départ m’étonne,
Combien je maudirais ma gaîté qui détonne !
Le rire, à peine éteint, me laisse son remords.

Ma main, sur le clavier qu’elle anime à son heure,
Retombe chaque fois sur la note qui pleure,
Et module à l’entour des chants plus sérieux ;

Tandis que la pédale, obstinément pressée,
Prolonge cette note en sons mystérieux,
Ainsi qu’un glas funèbre, écho de ma pensée !