Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Regarde, et prends pitié de ma longue indigence !
Je ne suis plus l’enfant qui n’avait rien aimé,
Par l’esprit de révolte en secret animé,
Réjoui dans son cœur des blasphèmes infâmes,
Insensible aux vertus dont Christ fleurit les âmes !
Me voici tel qu’enfin j’ose franchir le seuil :
Moins croyant, mais plus tendre, et sauvé de l’orgueil,
Humble dans mon espoir, résigné dans ma plainte,
Et faisant par amour ce que j’ai fait par crainte.
Oui, vous êtes vraiment, Seigneur, un Dieu caché ;
C’est pourquoi si longtemps je vous aurai cherché,
Pourquoi j’aurai langui, dans mes nuits incertaines,
Après vous, comme un cerf après l’eau des fontaines !
Mais je vous ai trouvé, car je me suis quitté.
Témoignant contre moi de mon iniquité,
J’appuîrai sur mon front la pointe de l’épine
Qui fit saigner, Jésus, votre tête divine ;
Et, comme à toute chair atteinte de langueur
Le mystique aliment donne seul la vigueur,
Un matin, à côté de ma mère en prière,
J’irai m’agenouiller sur la marche de pierre,
Et j’irai soutenir de mes deux mains encor
La nappe de lin blanc sur le balustre d’or !