Page:Le Parnasse libertin ou Recueil de poésies libres, BnF Enfer-729, 1769.djvu/51

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L’autre répond : moi je vous l’ai donné ;
Vous vous trompez, car je l’ai bien encore.


CONTE.


Un de ces jours Dame Boulbéne,
Pour certain beſoin qu’elle avoit,
Envoya Jeanne à la Fontaine ;
Elle y courut, cela preſſoit,
Mais en courant, la pauvre créature
Eut une fâcheuſe avanture ;
Un malheureux caillou qu’elle n’apperçut pas
Vint ſe rencontrer ſur ſes pas.
À ce caillou Jeanne trébuche,
Tombe enfin & caſſe ſa cruche :
Mieux eût valu cent fois s’être caſſé le cou.

Caſſer une cruche ſi belle,
Que faire ! Que deviendra-t’elle ?
Pour en avoir une autre, elle n’a pas un fou.
Quel bruit va faire ſa maîtreſſe
De ſa nature très-diableſſe ?
Comment éviter ſon courroux ?
Quel emportement ! que de coups !
Oſerai-je jamais me r’offrir à ſa vue ?
Non, non, dit-elle, enfin il faut que je me tue,
Tuons-nous. Par bonheur un voiſin près de là,

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