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et de la souveraineté, ou les soumettre à de nouveaux contrôles. Habitués à gérer utilement les intérêts locaux, les familles dirigeantes de ces deux grandes nations surent appliquer cette pensée avec un esprit de prudence et de conciliation. Depuis lors, elles ont souvent violé, en quelque point, la Constitution essentielle ; mais elles ont eu la sagesse d’éviter ces graves infractions qui entraînent une désorganisation dans les sociétés.

En France, l’esprit de réforme importé, non sans mélange d’erreur, au XVIIIe siècle, par certains lettrés anglais et allemands, ne s’est point développé dans des conditions aussi favorables. Privées, par la tyrannie des gouvernants, des anciennes libertés locales, les classes dirigeantes sont devenues incapables d’accomplir, même dans la vie privée, leur mission tutélaire. Cette mission est revendiquée, avec plus de zèle que de sagesse, par des lettrés qui, par leur condition même, sont étrangers aux besoins essentiels des populations. De là le contraste qui se produit, depuis un siècle, entre les Français et leurs deux voisins. En Angleterre et en Allemagne, les familles dirigeantes, fixées sur leurs domaines, connaissant et voulant guérir le mal qui se montre autour de leurs résidences, maintiennent un état relatif de paix sociale. En France, des lettrés doués d’aptitudes éminentes, mais igno-