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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/10

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LE PRÉSENT.

Ceci sera très-vrai ici, un peu moins là ; au fond cependant, et en y regardant de bien près, c’est vrai partout.

Que les littérateurs se réjouissent ! Il n’y aura pas d’uniforme cher nous. On ne leur fera qu’une question : Avez-vous du talent ? — Oui, vous êtes des nôtres. Nous n’avons point la superstition des noms ; l’inconnu sera accueilli avec la même déférence que pourraient l’être MM. Victor Hugo, Lamartine, Mérimée ou Mme Sand.

Et chez nous il y au replace pour tout le monde. Articles d’histoire, critique littéraire ou philosophique, critique d’art, biographies, impressions de voyage, variétés, il n’est point de genre que nous repous-r sions. Mais surtout et avant tout, nous favoriserons la production et l’invention. Depuis longtemps déjà, la littérature française chemine dans la poussière de la critique ; on ne voit partout que des juges. Celui-ci tient ses assises, comme le bon et saint roi, sous le chêne de Vincennes, et avec son air bonhomme, sous la feuillée, larde ses j’ligements de fines épigrammes ;cet autre juge révolutionnaire exécute, ou peu s’en faut, tous ceux qui lui tombent sous la main ; il y a aussi toute une ràce établie pour le jugement des vivants et des morts : la race universitaire. Elle s’en va paisiblement sur sa mule, comme les parlementaires d’autrefois, à toutes les vérités, disons-le aussi à toutes les banalités connues, et marmotte ses arrêts, les yeux mi-clos, avec importance et componction. Les justiciables manqueront bientôt à toutes ces hautes et basses justices.

Nous ferons tous nos efforts pour raviver la production qui s’éteint. Romans, nouvelleset contes de toutes les formes, de toutes les époques, de tous les costumes seront bien venus chez nous. Nous repoussons les écoles. La fantaisie, le rêve, le roman de mœurs ou d’histoire, contemporain ou datant des croisades, nous trouveront également bienveillant, pourvu qu’il y ait le nescio quid, le sourire ou la larme, le sentiment ou la passion, le cri du cœur ou la cavalcade empanachée et charmantede l’imagination. Le Réalisme en personne se présenterait dans nos bureaux avec sa suite de Turcarets, de portiers, de dames aux camélias et de jeunes personnes malsaines, que notre premier mouvement serait de le prendre poliment par les épaules ; mais nous nous raviserions et nous examinerions avant de prononcer.

Cette Revue va donc être une main posée sur le cœur de la France et de la littérature actuelle. Nous nous passerons cette fantaisie de savoir s’il bat encore. Les méconnus, les incompris, les gémissants, les chercheurs, les échevelés, les bayeurs aux corneilles de l’art, les sœur Anne de l’avenir n’auront plus d’excuse. Nous les avons entendus