temps, je crois. Ainsi, avec quelques têtes d’enfants, Me Browne a fait un petit tableau ravissant de netteté, de simplicité, d’observation et de naturel. De peu faire beaucoup, c’est la marque du vrai talent.
M. Vetter a l’un des pinceaux les plus élégants que je connaisse. Il rappelle tout le fini, tout le précieux de M. Meissonnier avec je ne sais quelle grâce et quelle noblesse qui n’est qu’à lui. La Liseuse est un charmant petit tableau. Au milieu d’un parc, sur un banc, une jeune personne vêtue de rose tient un livre à la main. Du livre elle ne s’en occupe guère ; elle émiette du gâteau à des tourterelles. Le soleil filtre à travers les branches des arbres et vient envelopper son visage d’un nimbe d’or. De la tête aux pieds, cette jeune liseuse est un modèle achevé d’aristocratie et de distinction. — Je retrouve les mêmes qualités dans le Récit. Deux amis, séparés par une table sur laquelle une servante va poser le large vidrecome de l’amitié, se racontent leurs aventures. Celui qui parle est penché en avant, il a les deux coudes sur la table et cherche à suivre dans les yeux de son auditeur l’effet de ses paroles ; l’auditeur, au contraire, nonchalamment renversé sur sa chaise, écoute à loisir, en fermant à demi les paupières. Le soin avec lequel chaque détail est traité, la perfection des dentelles et des justaucorps des deux gentilshommes, l’aisance des poses, font de cette toile un vrai chef-d’œuvre. Je suis moins satisfait du Fumeur. Le flot jaune de bière qu’il verse dans son verre est bien constellé de perles et traversé de lumière), son gilet à ramages lui va dans la perfection, son bas de soie enferme une jambe ronde et bien modelée ; mais sa physionomie est commune et sans expression. Or, l’expression, c’est le sentiment, c’est le talent, c’est le génie ; là où elle manque, il peut y avoir une remarquable habileté de mains, mais il n’y a point d’émotion vraie. Que M. Vetter permette cette petite critique de son Fumeur à l’ami de sa Liseuse et à l’admirateur de son Récit.
