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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/183

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HÉGÉSIPPE MOREAU.

La fauvette comprit, et, déployant son aile,
Au perchoir épineux, déchirée à moitié,
Dans son nid, que berçait la branche maternelle,
Courut ensevelir ses chants et sa pitié.

Oh ! non, je n’irai pas, sous ce toit solitaire,
Troubler ce juste en pleurs par le bruit de mes pas ;
Car il est, voyez-vous, de grands deuils sur la terre
Devant qui l’amitié doit prier et se taire :
Oh ! non, je n’irai pas.


Que l’on songe maintenant que tout ceci est l’œuvre d’un pauvre garçon qui n’a pas dépassé vingt-huit ans, et qui écrivait sous l’empire de la maladie ou du jeûne. Figurez-vous ces brillantes facultés à l’abri du besoin, et vous comprendrez de reste combien la mort fut cruelle en brisant des ailes à peine entr’ouvertes. Un jour, M. Henri de Latouche entendit quelques-uns des vers que je viens de vous citer ; il en fut électrisé et courut chez son cher Béranger. Du plus loin qu’il aperçut le bonhomme, il lui cria avec cette franchise qui honore les deux amis : « Enfin, j’ai trouvé un plus grand poëte que vous. » Je n’ose démentir le jugement de M. de Latouche sur ce poëte mort avant d’avoir donné la mesure de ses forces.

Hégésippe était très-modeste. Les essais où il a pour ainsi dire exercé sa plume, il les juge lui-mème avec une grande sévérité, et lorsqu’on les lui achète pour cent francs, il gémit du tort que va lui faire l’impression de pareilles ébauches.

Hégésippe Moreau a laissé en outre des contes pour les enfants. Ils sont remplis de grâce, de simplicité et d’esprit. Le Gui de chêne, la Souris blanche, les Petits souliers, Thérèse Sureau et le Neveu de la fruitière rappellent Charles Nodier avec une plus touchante naïveté. Quant à sa correspondance, elle est si navrante, qu’on ne saurait la lire sans ressentir de longues tristesses.


Henri Denys.