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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/212

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LA ROSE DU BENGALE.
Elle ressemblait à la rose du Bengale, sans épines, mais sans parfum.
H. C.
I

Albert et Marietta, comme les deux pigeons de La Fontaine, s’aimaient d’amour tendre, quoiqu’ils ne se fussent vus qu’un soir, parlé qu’une fois, à la dérobée, par hasard, la nuit, au bal. Faut-il donc tant de façons pour s’aimer ? Leurs cœurs s’étaient allumés à leurs yeux, comme les papillons se brûlent à la lumière.

Ils avaient dansé deux ou trois fois ensemble, et — le cœur est souvent trop près du visage — chacun avait aisément deviné le doux secret qu’ils n’avaient même pas essayé de cacher. En valsant, ils s’étaient enlacés, serrés l’un contre l’autre, presque à leur insu ; dans le gai tourbillon, leurs cheveux s’étaient touchés, leurs mains s’étaient pressées à travers les gants déchirés ; ils s’étaient fredonné à l’oreille ce que les oiseaux se chantent sous les feuilles, au mois de mai. Le prestige d’une fête nocturne, l’éclat des lumières, les parfums, la musique ! Ajoutez à toutes ces séductions l’occasion qui tente et le diable qui se met de la partie. Comment ne pas perdre le cœur ou tout au moins la tête ? — C’est s’aimer bien vite ! Mais non : la vie est courte, et les heures de joie ne se retrouvent jamais. Il faut donc se hâter d être heureux et s’aimer le plus vite possible.

Pour Albert, Marietta était la femme la plus accomplie qui fût ja-