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DE LA MORALITÉ EN LITTÉRATURE.

C’est l’histoire d’un jeune abbé à qui on n’a enseigné d’autre religion que celle du succès. Il ne voit que lui, ne rêve que les plus hautes fonctions, et se croit inviolable. Les fumées de l’orgueil troublent la tête de Julien Sorel et de l’abbé Verger ; elles les conduisent au crime en même temps qu’à l’échafaud.

Il se trouvera, il s’est trouvé peut-être des gens qui ont déclaré ce livre immoral. Ma conviction est que si ce roman était tombé à temps entre les mains de Verger, la réflexion lui aurait dessillé les yeux, et il ne serait pas tombé dans l’abîme du crime et de la folie.

Rouge et Noir, le meilleur livre qu’on ait écrit depuis vingt-sept ans, est l’antidote de la maladie de notre temps, la fièvre de l’ambition, cette ambition infernale qui justifie tous les moyens par le succès.

Pourtant ce livre fait une peinture effroyable du mal, non pour le justifier, mais pour montrer l’abîme. Il rentre dans l’ordre du grand principe qui fait le fond de cet article : prévenir au lieu de réprimer ; l’hygiène préserve de la médecine.


Antonio Watripon.