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LE PRÉSENT.

cheveux. Allons, morbleu ! sois gai et n’apporte pas avec un uu « mm* d’employé aux Pompes funèbres. Les plus jolies femmes de Paris sont là.

Pendant ces discours, ils étaient arrivés à la porte du tripot. C’était un des plus grands hôtels de la rue Saint-Honoré. L’escalier était encombré des fleurs les plus rares, couvert d’un admirable tapis. En mettant le pied dans les salons, une sorte d’éblouissementfrappa les yeux des deux officiers : les lustres brillaient au plafond ; une mine e diamants vrais ou faux luisait sur chacune des femmes qui se promenaient, les épaules nues, l’ceil provocateur ; l’or scintillait sur les tables, resplendissait aux corniches, ruisselait en cascades sur les tapis, éclatait sur tous ces mille uniformes de l’Europe militaire, s’étendait en larges bandes aux pantalons, serpentait en broderies sur tous es habits, et sonnait dans toutes les poches en harmonieux carillon. De l’or partout de l’or ; ses fauves reflets inondaientla salle d’une étrange lumière. C’étaient des ryxdales d’or, des augustales d’or, des napoléons d’or, des louis d’or, des cruzades d’or, des frédérics d’or, des florins d’or, des ducats d’or, des couronnes d’or. Sous le rateau des croupiers coulait et bruissait un Pactole à vagues d’or ; des rayons d’or illuminaient tous les visages et perçaient tous les yeux de leurs flèches aiguës ; la fièvre de l’or semblait circuler dans les salles et descendre des lustres de cristal, comme cette fièvre que l’on respire à l’ombre du mancenillier…

Ostrowki et Georges firent le tour de ce palais enchanté, serrèrent la main à leurs amis, sourirent à quelques-unes des femmes les plus iolies ; puis, Ostrowki se mit au jeu et Georges continua sa promenade. Au bout d’une demi-heure, à peu près, voulant se désennuyer, il vint auprès de son ami et risqua une poignée de louis. Il gagna.

— Tu as toujours du bonheur, toi, lui dit Ostrowki ; tu n as qu’à te montrer pour gagner. En revanche, moi, je suis resté fidèle a mes mauvaises habitudes, je perds.

Georges continua de jouer. La Fortune, fatiguée sans doute là se reposait à côté de lui et l’avait pris sur cette fameuse roue que tant de poëtes des temps passés ont vue tourner, et que si peu ont su arrêter. L’or s’amoncela devant lui, de nouveaux ruisseaux prenaient sans cesse leur cours vers le fleuve jaune qui frétillait sous ses yeux. De tous côtés, les promeneurs, les oisifs s’arrêtaient devant cette