Aller au contenu

Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/315

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
307
L’ANNÉE DES COSAQUES.

— Apprêtez armes ! cria l’officier.

Les crosses des fusils résonnèrent sur le sol ; Georges touchait à son dernier moment, quand un grand tumulte se fit entendre à l’extrémité du Champ de Mars. Une voiture débouchait à toute bride par le pont d’Iéna, escortée de quelques officiers qui criaient en agitant leurs chapeaux : Arrêtez ! arrêtez ! et un instant après les chevaux fumants de sueur s’arrêtaient près du peloton d’exécution. En même temps le marche-pied s’abaissait et Mme de Lautages se précipitait hors de la voiture, en criant : Grâce ! grâce ! Elle s’élança vers Georges, le serra dans ses bras, et tendit un papier à l’officier qui allait commander le feu. C’était, en effet, la grâce de Georges signée de l’empereur. Les officiers qui avaient accompagné Mme de Lautages se pressaient autour du prince, lui serraient la main, le félicitaient d’avoir échappé à la mort, tandis que la marquise l’entraînait vers sa voiture. Georges stupéfait, hors de lui, se laissait faire.

— Madame, lui dit-il, quand il se trouva assis en face d’elle, et un peu remis de son étonnement, voici la seconde fois que vous me sauvez la vie.

— C’est à la clémence de l’empereur que vous la devez, malheureux enfant. Oh ! que de tourments vous nous avez causés à Clotilde et à moi !

Le prince rougit et demanda des nouvelles de Mlle de Lautages.

— Vous allez la voir tout à l’heure. La chère enfant voulait m’accompagner au Champ de Mars, au mépris de toute convenance. Je ne l’ai pas voulu. D’ailleurs cet affreux spectacle eût été capable de la tuer.

La voiture s’arrêta devant un élégant hôtel de la rue Saint-Honoré, Georges en monta rapidement les degrés. Au premier, dans un élégant salon, il aperçut, en ouvrant la porte, Clotilde à genoux et les yeux levés au ciel, qui priait pour lui sans doute. En voyant Georges, elle se leva, voulut courir au-devant de lui ; ses forces la trahirent, elle allait tomber, Georges la retint dans ses bras, et la posa évanouie sur un canapé ! Pâle, des larmes dans les yeux, renversée sur l’épaule du prince, les mains dans une des siennes, soutenue par l’autre qui était passée derrière sa taille, elle était si belle qu’elle réveilla un moment l’ancien amour dans le cœur sur lequel elle s’appuyait. Les baisers de