Aller au contenu

Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CRITIQUE.
XVIIIe ENTRETIEN DE M. DE LAMARTINE.

Dans son dernier Entretien, M. de Lamartine se montre, il me semble, bien sévère à l’égard d’Alfred de Musset, de maître François Rabelais et de la jeunesse actuelle. Quoique ma plume soit inhabile encore, j’essaierai de répondre : les amis de la large gaieté et de la libre fantaisie me tiendront compte de mes efforts.

C’est une figure grandiose que celle de ce poëte qui cause depuis dix-huit mois, comme un génie familier, avec plus de vingt mille lecteurs. Comme elle fut saluée à son aurore ! Vous rappelez-vous ?

Au sortir des troubles révolutionnaires et des champs de bataille de l’empire, la France fatiguée sentit le besoin d’émotions plus douces. Elle s’était meurtrie sur la terre, elle voulut se baigner dans les nuages du ciel. M. de Lamartine l’y conduisit au bruit de sa lyre élégiaque, et tout le monde écouta dans un doux recueillement le suave délire du poëte aérien.

Malheureusement pour les règnes littéraires, de nouvelles perspectives s’ouvrent sans cesse à l’imagination, et les derniers venus, en s’élançant vers le domaine du beau et du vrai, effeuillent toujours au passage la couronne des prédécesseurs. Bientôt les gloires établies s’aperçoivent qu’un encens plus rare fume autour de leurs œuvres. On les entend alors crier à l’Ingratitude.

Il n’y a pas ingratitude, mais saturation.

Voyez : le Trouvère remplace Guillaume Tell, quoique Rossini domine son successeur de cent coudées. Résignez-vous donc, monsieur de Lamartine, le monde est ainsi fait ; il lui faut sans cesse du nouveau ; et c’est cette soif inextinguible qui donne à l’art le charme des formes diverses. Ne nous défendez donc plus de marcher à l’inconnu, puisque les poètes et les souverains ne se succèdent qu’à la