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LE COSTUME AU THÉÂTRE.

Cependant la mode est changée à la cour, le costume Louis XIII est devenu, à travers la Fronde, celui de la jeunesse de Louis XIV ; en même temps a changé le costume tragique qui continue, à quelques accessoires près, à se modeler sur lui. Voici les cheveux bouclés qui « se transforment en une vaste perruque ; le hautde-chausses à dentelles s’est élargi jusqu’à devenir un jupon qui laisse passer le bas de la culotte bouffante, serrée au-dessus du genou et terminée par d’immenses canons. C’est le beau temps de Montfleury de l’hôtel de Bourgogne, des rois, comme dit Molière, gros et gras comme quatre, entripaillés comme il faut d’une vaste circonférence, qui puissent remplir un trône de belle manière. C’est à ce temps qu’il faut rapporter la burlesque description de Voltaire :

« On voyait arriver Auguste (dans Cinna) avec la démarche d’un matamore, coiffé d’une perruque carrée qui descendait par devant jusqu’à la ceinture : cette perruque était farcie de feuilles de laurier et surmontée d’un large chapeau avec deux rangs de plumes rouges… Il se plaçait sur un énorme fauteuil à deux gradins, et Maxime et Cinna étaient sur deux petits tabourets. La déclamation ampoulée répondait parfaitement à cet étalage ; et surtout Auguste ne manquait pas de regarder Cinna et Maxime du haut en bas avec un noble dédain, en prononçant ces vers :


Enfin tout ce qu’adore en ma haute fortune
D’un courtisan flatteur la présence importune.


« Il faisait bien sentir que c’était eux qu’il regardait comme des courtisans flatteurs. »

Voltaire se trompe quand il rapporte cette description au temps de Fénelon. Il oublie que l’archevêque est jeune dans le xviie siècle, qu’il avait vu jouer la tragédie d’un ton bien éloigné de cette exagération, dans des costumes fort élégants, et presque semblables à ceux qui servirent aux premières représentations des meilleures tragédies de Voltaire. Bientôt, en effet, on avait senti le besoin de distinguer entièrement le costume tragique du costume de ville. Déjà Richelieu avait fait quelque essai en ce genre quand il ouvrit le grand théâtre du Cardinal par la représentation de Mirame. Il avait aussi pour la première fois donné de riches décors à la tragédie:de chaque côté, des portiques renaissance ornés de fleurs, devant lesquels venaient se ranger les pages et les gardes armés de hallebardes de parade; au fond, une terrasse avec la mer où se mouvaient des vaisseaux, avec lever du soleil et de la lune. Mais c’est le grand carrousel donné en 1662 sur la place de ce nom, et les divertissements de Versailles, dits Plaisirs de l’île enchantée (1664), qui devaient fixer le costume des tragédies de Racine.

C’est le costume militaire d’apparat des empereurs qui a servi de modèle. À côté des statues en costume civil, toge ou manteau, dont s’est inspiré Talma, l’antiquité nous a laissé plusieurs figures d’empereurs revêtus de cuirasses légères