Aller au contenu

Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
SCIENCES ET INDUSTRIE.

sombre Averne ; elle nous paraît claire et riante lorsque nous sommes près d’en sortir. Au milieu de la campagne, par un ciel clair, même sans lune, nous distinguons mieux les obstacles du chemin que dans une rue de Paris médiocrement éclairée. Je hasarderai même à ce propos une réflexion que me suggère le nombre toujours croissant des becs de gaz dans certains quartiers de Paris ; cette réflexion, ce n’est pas moi précisément qui en suis l’auteur, ce sont mes yeux. Il m’est souvent arrivé de trouver très-obscurs certains endroits qui, il y a dix ans, me paraissaient très-brillamment éclairés. C’est ainsi que le soir la place de la Concorde m’a paru souvent un désert ténébreux, et il ne faut pas réfléchir bien longtemps pour s’apercevoir qu’il doit en être ainsi lorsque l’on sort de la rue de Rivoli. Dieu me préserve de critiquer les actes de l’édilité parisienne ! J’en aurais la velléité, que je ne l’oserais pas ; je me suis toujours persuadé, avec Sosie, que vis-àvis les administrations en général,


Sur de telles affaires, toujours
Le meilleur est de ne rien dire.


Je crains bien cependant qu’à force de multiplier les becs de gaz on ne finisse par y voir moins clair qu’autrefois, à Paris, sur un grand nombre de points.

Lorsque l’on put produire la lumière électrique assez facilement pour que les expériences de ce genre devinssent assez vulgaires, on mit en avant les projets les plus bizarres. Les uns voulaient attacher une lumière électrique à un ballon pour éclairer une ville entière ou tout au moins un quartier ; d’autres, un peu plus raisonnables, parlaient seulement d’élever de très-hautes tours ou colonnes dans le même but. En ne tenant pas compte des difficultés pratiques de cette méthode d’éclairage, on peut dire qu’elle est vicieuse au point de vue de la distribution même de la lumière. On a pu s’en faire une idée d’après l’essai qui fut fait il y a quelques années, au milieu de la place du Carrousel, où l’on avait établi un bec de gaz monstrueux qui éblouissait les yeux des passants beaucoup plutôt qu’il n’éclairait leurs pas. Dans l’éclairage public la condition la plus convenable est la plus grande dissémination possible du foyer lumineux. Ainsi on peut dire, au point de vue pratique, que deux lumières distinctes éclairent mieux qu’une lumière double de chacune d’elles.

Une grande accumulation de lumière en un seul point est bonne au contraire lorsqu’il s’agit non pas d’éclairer les objets environnants, mais de percer l’espace à de grandes distances, c’est-à-dire pour l’établissement des fanaux. C’est ainsi que le jour où l’on aura pu rendre facile et constante la production de l’électricité, la lumière voltaïque sera d’un utile emploi dans les phares. Ce serait encore une ressource précieuse pour prévenir les abordages terribles des navires, qui deviennent si fréquents depuis la multiplication des bateaux à vapeur. Enfin la lumière électrique, par suite de sa concentration en un espace d’une dimension presque