Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/248

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CHRONIQUE.

Quelques personnes m’ont su gré des détails particuliers que j’ai donnés sur Gustave Planche. J’ai dit bien peu de chose, et pourtant j’ai réussi, paraît-il, à modifier l’opinion de certaines gens sur cet homme tant calomnié, dont on a pensé tant de mal, et qui n’était, à vrai dire, qu’un grand enfant. C’est de l’individu seulement que j’ai voulu parler, laissant à d’autres le soin de juger l’écrivain et de discuter son mérite. Je l’ai montré victime de la misère et martyr de l’honnêteté. La nouvelle d’une mort récente me fournit l’occasion de rendre encore une fois hommage à l’indépendance de son caractère. C’est une histoire assez connue et je n’apprends rien de nouveau au public. Il est bon cependant de rappeler des faits de ce genre, et de saluer, dans la personne de ceux qui ne sont plus, des qualités que n’ont pas peut-être tous ceux qui restent.

C’était à propos d’un livre, fort remarquable d’ailleurs, l’œuvre d’un grand esprit, dont le vulgaire s’est, je crois, assez peu occupé, mais dont les délicats et les lettrés ont fait et leurs délices et leur profit. L’auteur était un gentilhomme un peu dédaigneux pour la foule, et faisant assez peu de cas, sans doute, des consciences plébéiennes et des écrivains sans fortune. Il voulut qu’on parlât de lui, et il offrait, en grand seigneur, de payer les éloges. Chez un autre, cette conduite paraîtrait mesquine et serait traitée de coupable. Franchement, il avait si peu besoin d’acheter les louanges, il avait un bagage d’écrivain si riche, qu’on lui en veut moins d’avoir compté avec les pauvres. Pourtant l’indignation de Planche fut sérieuse, et sa colère éclata bien haut.

C’était chez madame ? Dorval. Le grand critique venait d’entrer dans le salon.

— Planche, dit-elle, j’ai une proposition à vous faire.

— Laquelle ? fît l’écrivain qui croyait peut-être à quelque malice de femme. Dans ce temps-là il était jeune et beau, et n’a-t on pas prétendu qu’il avait, avec ses