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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/300

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LE PRÉSENT.

— Ma fille est malade !

— Mais je ne peux donc la voir ! s’écria le faible insensé.

— Elle a déclaré qu’elle ne vous verrait plus, continua madame André de sa voix un peu cassée, où le ressentiment vibrait par secousses étranges et prolongées, comme si son vieux cœur s’ébranlait dans sa poitrine.

Le bel Onfray ne se tint pas pour ba tu, et lorsqu’il revint, la vieille dame ne se trouvant plus sur son passage, la salle basse étant déserte, il hésita encore, et enfin il se précipita dans l’escalier qui menait au premier étage et tomba comme la foudre dans la chambre de Julie. La jeune femme en l’apercevant se redressa sur son lit, jeta un cri désespéré, puis attirant à elle ses larges rideaux, elle s’y enveloppa rapidement. Madame André avait entendu la course audacieuse d’Arsène dans l’escalier : elle était là.

— Mère, dit Julie, faites de lui ce que vous voudrez.

La vieille dame devina soudain tout ce qui s’était passé la veille. Le jeune homme la suivit dans le jardin sur un geste qu’elle fit.

— Monsieur, lui dit-elle, ce mariage qui me désespérait hier, ce mariage insensé, indigne de ma fille, c’est moi maintenant qui l’exige !

— Oh ! si elle peut se lever, bégaya-t-il, suppliez-la de descendre.

Madame André fit un signe d’assentiment et rentra dans la maison.

Ce fut entre elle et sa fille un long combat mêlé de bien des larmes ! Julie enfin céda : elle obéit plutôt. Arsène l’attendait affaissé sur le banc, dans la tonnelle.

— Ô maman, s’écria la jeune femme en Je considérant de loin, si tu le connaissais comme moi, tu ne serais pas venue me chercher ! Quoi qu’il me jure aujourd’hui, il ne sera plus en état de le tenir demain. Ah ! s’il avait osé te dire en face qu’il ne voulait pas faire de moi sa femme…

Et elle descendit.

— Julie, s’écria-t-il en voyant la jeune femme, il faudra que ce soit vous qui me quittiez…

— Oui, lui dit-elle lentement, car pour rompre de vous-même une vie odieuse, il faudrait vouloir. Il a fallu pourtant vouloir aussi pour arriver à mon cœur. Allez donc, monsieur, si vous n’attendez qu’un mot de moi qui vous le permette. Cela est bien vrai… que je ne vous aime plus…