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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/301

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LE SPHYNX.

— Vous ne m’aimez plus ? Et pourquoi ? fit-il en se précipitant sur sa main.

Mais Julie se recula vivement.

— Oh ! ne me touchez pas, s’écria-t-elle, je n’ai rien oublié !…

Arsène frémit jusqu’à l’âme, comme un coupable qui choisirait lui-même son supplice.

— Hé bien ! dit-il d’une voix convulsive qu’il abaissait à mesure qu’il parlait, cette main, la refuserez-vous à celui qui jure ici de vous prendre pour sa femme ?

Julie tomba dans une rêverie profonde ; sa mère vint l’en tirer en la baisant au front et lui dit tout bas :

— Il faut accepter. — Et puis es-tu bien sûre pour cette fois d’être guérie ? Tu l’aimais hier ! tu pardonneras.

— Il est bien vrai pourtant que je ne vous aime plus, répéta la jeune femme. Demeurez quelque temps sans me voir. Vous l’avez bien fait, quand je vous aimais.

— Ah ! s’écria-t-il, c’est un refus !

— Voyez-vous, dit-elle, ce n’est déjà plus l’homme de tout à l’heure qui parle à présent. — Non, Arsène, c’est une épreuve.

— Je la subirai, dit-il froidement.

Il se sentait le cœur bien plus libre en quittant la maison.

François l’attendait sur la place, battant les cailloux d’un pied irrité. Il s’élança vers son maître et le prenant sans façon par la main, il l’entraîna jusqu’à la porte de la mairie, où quelques personnes étaient arrêtées devant un grand tableau de bois, défendu par un grillage.

— Ce sont les actes de publication, dit-il. Que monsieur lise !

Arsène lut :

« Il y a promesse de mariage

« Entre M. Baptiste-Amaury Rougé, marquis de Rougé la Tour, fils majeur d’Antoine Rougé, marquis comme son père (le secrétaire de la mairie avait copié sans observation), et de Marie-Anne Touchebœuf, d’une part ;

« De l’autre, madame Anna-Charlotte de Kœblin, veuve de Remi du Songeux, etc. »

— Fais mes malles au plus vite, s’écria le bel Onfray.

François ne se hâta point, parce qu’il n’aimait pas à perdre son temps. Son maître, au bout de quelques minutes, s’était ravisé.