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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/322

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LE PRÉSENT.

gascar, il fallut renoncer aux desseins tant de fois formés sur cette île, et se résoudre tardivement au commerce direct avec l’Inde.

Vers cette époque, en 1668, Caron, d’origine française, engagé depuis sa jeunesse au service de la Compagnie hollandaise, la quitta au sujet de quelques démêlés personnels et vint à Paris. Colbert reçut de lui des informations précises sur l’état des comptoirs européens aux deux côtes du Malabar et de Coromandel ; il approuva l’ensemble de ses idées et lui confia la direction suprême des affaires. De retour en Orient, et revêtu de pouvoirs illimités, Caron obtint d’Aurang-Ceyb la cession de Çurate, dans le Guçarate, ville riche et manufacturière, assise sur une côte fertile, à l’entrée du golfe de Cambaye, et qui concentrait toutes les opérations commerciales entre l’Inde et la Perse ; mais bientôt convaincu qu’il était indispensable aux intérêts qu’il représentait de disposer d’un port ouvert à moins de concurrences actives, il résolut de conquérir Ceylan, infiniment plus riche et commandant les deux côtes de la Péninsule. Les Hollandais l’avaient enlevée aux Portugais. Caron vint les y attaquer. Une escadre française assiégea Punto-Gallé sans succès et s’empara de Trinkomally, qui fut repris par Van-Goens. Repoussé de Ceylan et renonçant à Çurate, Caton se rejeta sur la côte de Coromandel, où Saint-Thomé fut emporté d’assaut. Après deux ans d’une possession précaire, une flotte hollandaise, appuyée à l’intérieur par dix mille Hindous du Radjah de Golkonde, contraignit la garnison française de capituler. La Compagnie cessait dès lors d’exister si l’un de ses plus obscurs agents ne l’eût sauvée. C’était à François Martin qu’était réservé l’honneur de poser les premières bases de la puissance française dans l’Inde. Chargé par les directeurs Baron et de La Haye d’obtenir du radjah de Viçapur la permission de se retirer à Pondichéry, il réussit dans sa négociation, et s’y établit à la tête de soixante hommes, après le départ de ses chefs. Tels furent les commencements de ce comptoir célèbre à tant de titres, qui, un demi-siècle plus tard, eût transformé et civilisé l’Hindoustan, si l’envie haineuse de ses ennemis et l’impéritie de ses protecteurs naturels ne se fussent conjurées pour son abaissement et pour sa ruine.

Ce que la colonie naissante coûta d’efforts énergiques et persévérants peut se mesurer aux calamités nouvelles qui l’assaillirent.

À peine Martin eut-il fortifié Pondichéry, que les Hollandais l’in-