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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/345

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L’INDE FRANÇAISE.

fligea une suprême défaite à Naçer-Cingh. Ce malencontreux protégé des Anglais perdit dix mille hommes et fut tué en fuyant. Les deux armées proclamèrent alors unanimement Muçafer-Cingh çubah du Dekkan. Il distribua douze millions entre tous les nababs, douze cent cinquante mille livres aux troupes françaises, une somme égale à la Compagnie, et une pension de cent mille roupies à Dupleix, il augmenta le nombre des précédentes cessions de territoire et rétablit Khanda-Çaeb dans la nababie d’Arkate.

Ces avantages réels, cette domination inespérée de la France étendue dans la presqu’île et fortifiée par notre fidélité même à soutenir les droits de notre allié, ces faits sans réplique enfin, tout cela fut considéré en Europe comme autant d’espérances chimériques. Le Contrôleur général et la Compagnie se hâtèrent de contenir Dupleix. Il s’agissait, en effet, de ne pas mécontenter l’Angleterre outre mesure. « J’ai vu avec plaisir, lui écrivait le ministre, les preuves de courage qu’ont données nos troupes ; mais je serais infiniment plus satisfait si les conférences étaient renouées et si le traité de paix définitif devait suivre nos derniers succès. Il faut tout mettre en usage, non-seulement pour pacifier l’Inde, mais encore pour éviter toute occasion de rentrer en guerre. » La Compagnie insistait, de son côté, avec une incomparable naïveté : « Nous applaudissons à la sagesse de vos dispositions, mais elles ne seront efficaces qu’autant qu’elles vous conduiront à une paix solide. Nous vous recommandons de vous occuper essentiellement des affaires de commerce. »

Ces prescriptions étaient sans doute absurdes, mais elles étaient navrantes. Cette paix, si ardemment souhaitée du Contrôleur général et de la Compagnie, ne pouvait résulter que de deux faits accomplis, l’alternative était sans issue : le triomphe complet ou la défaite irréparable. Dupleix pressa donc la guerre avec une nouvelle vigueur. La partie septentrionale du Dekkan n’était pas encore soumise. Le marquis de Bussy, à la tête de trois cents Européens et de deux mille cipayes, partit avec Muçafer-Cingh. Après un mois de marche, les trois nababs de Kadapé, de Kanul et de Çavanul attaquèrent l’armée. Ces chefs avaient acclamé le çubah à la mort de Naçer-Cingh, mais, bien qu’ils eussent eu part aux douze millions distribués à cette époque, les guinées anglaises les avaient promptement transformés d’amis douteux en ennemis déclarés. La bataille fut suivie d’une victoire trop