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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/346

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LE PRÉSENT.

chèrement payée par la perte de Muçafer-Cingh, tué d’un coup de flèche dans l’œil. Un fils du Nizam-Ul-Muluk, Çalabet-Cingh fut proclamé çubah. C’était un homme indécis et peu entreprenant, mais un ami sincère des Français. Il renouvela sans retard les libéralités de son prédécesseur envers les protecteurs de sa famille et confirma toutes les cessions de provinces. Bussy le fit couronner dans Aurang-Abad, et régna par lui dans le Dekkan.

Tandis que ces événements heureux s’accomplissaient au nord de la çubahbie, grâce à une direction habile et vigoureuse, nous subissions une sorte de désastre au midi. Il fallait réduire Mohhammed-Ali-Khan dans Triçnapâli. Law de Lauriston et Khanda-Çaeb l’y assiégèrent enfin. Les Anglais et les Mahrattes tenaient la campagne aux approches de la place et tentaient d’y faire pénétrer les vivres et les munitions qui s’y épuisaient. La négligence du chef français facilita le passage d’un convoi considérable, et bientôt, malgré les vives instances de Khanda-Çaeb et les ordres formels de Dupleix, Law de Lauriston leva le siége et se retira dans l’îlot de Çaringham, au milieu du fleuve, à deux portées de canon de Triçnapâli. Il y fut bloqué, affamé et contraint de se rendre à discrétion. Khanda-Çaeb avait reçu des Anglais la promesse qu’ils le protégeraient contre Mohhammed-Ali-Khan : mais à peine était-il entre leurs mains, que le colonel Lawrence, au mépris de la parole donnée et de son propre honneur, lui fit trancher la tête à la porte de sa tente.

La prise de Triçnapâli eût couronné l’œuvre de Dupleix. La partie méridionale de la péninsule était dès lors annexée à nos possessions, tandis que Bussy et Çalabet-Cingh assuraient notre suprématie exclusive dans les provinces du nord. Le désastre de Çaringham n’eût cependant point anéanti ces hautes espérances, et elles n’eussent été que réalisées plus tard, grâce aux ressources infinies de l’homme qui les avait conçues. Le lendemain même de la capitulation de Law et du meurtre de Khanda-Çaeb, ses négociations déterminèrent le radjah de Maïçur et le chef mahratte à rompre avec Lawrence et Mohhammed-Ali-Khan. Ce dernier, pillé sans merci par ses alliés européens, en était venu, malgré sa victoire, à implorer la médiation française auprès du çubah, mais l’échec imprévu de Lauriston n’en fut pas moins déplorable, car il servit de prétexte au rappel de Dupleix.

L’Angleterre et la France, en paix en Europe, persistaient à com-