retenues de l’éducation ; Rosine, du reste, est réussie dans son ensemble. Mais franchement, je ne saurais voir sans fatigue l’adroit Figaro se donner tant de mal pour faire marcher une intrigue lentement, longuement. Avec un pareil auxiliaire, l’action devrait avoir des ailes, tandis qu’elle a besoin de se soutenir aux moindres incidents : une glace brisée, des clefs perdues, un fauteuil absent, etc.
Bazile a été traduit par Rossini dans une langue aussi splendide qu’universelle, et à cette heure que les harmonies de cet homme immense m’arrivent à l’oreille à travers le silence de la nuit, je me demande pourquoi je me suis laissé entraîner à dire un seul mot de l’œuvre de Beaumarchais. Aussi, si j’étais artiste dramatique, et que j’eusse à exprimer une des figures du Barbier de Séville, je demanderais souvent des conseils à la musique de Rossini. Beaumarchais a seulement ébauché des personnages ; Rossini les fait marcher sans hésitation, avec tous les gestes, toutes les nuances, toute la passion qui leur manquait.
Vous êtes une charmante personne, mademoiselle Fix : beaux yeux, belles dents, beaux cheveux noirs et le reste, sans compter une petite mine mignarde qui rencontrera des admirateurs, tous les goûts ôtant dans la nature : mais demandez à Rossini quelle grâce, quel naturel, quelle vivacité imprévue Rosine doit déployer. Vos phrases, pleines d’aspirations extra-muros, doivent partir comme une flèche de Cupidon ou une colombe aux ailes frémissantes de désir. Votre tenue doit respirer une coquetterie instinctive, mais sans apprêt, et vos yeux languissants doivent contempler le beau comte Almaviva avec cette crainte première qui n’empêchait point le roi Henri de s’engager au fort de la mêlée. Pour obtenir ce résultat, hélas ! il faudrait, j’en conviens, faire abstraction de sa personne, s’oublier, et c’est chose difficile lorsqu’on se nomme mademoiselle Fix.
M. Got a de la verve, de l’entrain, et ce je ne sais quoi qui gagne l’attention du public ; toutefois je ne saurais lui adresser des félicitations sur sa composition du Barbier de Séville. Figaro, en effet, est le cousin germain de Panurge : adroit des pieds et des mains, coup d’œil vif et rapide, reparties instantanées, mimique dégagée, originale et harmonieuse ; surtout de la volubilité dans les phrases, dont le Irait doit partir avec l’inattendu et la chaleur de l’improvisation^.
M. Bressant est un superbe cavalier, pourvu de grâce, d’élégance et