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LIVRES ET JOURNAUX.

que la patience d’une femme solitaire… » — Et plus loin : « Les études microscopiques spécialement veulent des qualités féminines. » Combien trouvons-nous en effet de pages dans le livre qu’une femme seule peut avoir écrites ou tout au moins inspirées ?

Mais c’est assez demeurer près, du berceau d’une belle chose. Disons tout de suite que ces études, commencées au pied des Alpes, et poursuivies dans la forêt de Fontainebleau, se sont achevées en moins d’un an. Le livre naît alors rempli de recherches nouvelles et d’ingénieux rapprochements, écrit dans cette langue assez sûre d’elle-même pour se donner de ces airs de négligence et de caprices auxquels les initiés ne se trompent point. Les savants ne le désavoueront pas ; ils l’envieront peut-être, car il ne leur est pas donné à tous d’être originaux, et si M. de Buffon lui-même vivait encore, ses manchettes en auraient tremblé. Il y a de tout en effet dans l’Insecte. Si vous voulez de la science unie à la splendeur de la poésie et à toutes les étrangetés du sentiment, lisez les deux chapitres de la Fourmi et de l’Abeille. Lisez l’introduction, si vous voulez de la poésie pure et du paysage tel que M. de Senancour en faisait, il y a soixante ans, dans cette même forêt de Fontainebleau. N’est-il pas admirable dépenser que, tandis que M. Michelet traçait ces pages en apparence si légères, il n’abandonnait point la composition de sa grande histoire ! Son âme est une âme de poëte qui s’est logée par caprice dans le corps d’un bénédictin.

LES VACANCES DE CAMILLE, par M. Henry Murger[1].

C’est une agréable histoire que les Vacances de Camille. Lorsqu’on réfléchit à la première donnée du livre, cela semble d’abord simple et ténu comme une tige de pâquerette : voyez plutôt. Léon d’Alpuis a une maîtresse, une fille trop sincère pour être aimée du premier venu, car le premier vepu veut être trompé, trop étourdie pour ne pas être honnête, trop honnête pour ne pas être étourdie. Camille n’appartient à aucune des espèces de femme qui ont un nom dans notre monde, car elle n’est ni tout à fait une grisette, ni tout à fait une fille bien élevée, mais elle rentre dans la grande et rare espèce des femmes qui aiment et qui sont toutes un peu cousines, de telle sorte que Juliette est de la parenté de Manon. Or, le cœur de Camille est en vacances et ces vacances bien tristement passées seront un veuvage : Leon d’Alpuis va se marier. Faible raison, cœur d’enfant que celui du jeune homme ; sa famille savait sa liaison et la tolérait parce qu’elle coûtait peu ; mais chaque chose a son heure, et l’amour, suivant la famille, est justement la chose à laquelle il faut consacrer le moins de temps. Tout plein d’une banale idée de soumission à ses devoirs, Léon se laisse mener au

  1. Michel Lévy frères, rue Vivienne.