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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/514

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LE PRÉSENT.

seur est avec les loups. Entre eux et lui il n’y a qu’une question de principe ; mon Dieu, oui, il n’y a pas autre chose. Entre le livre de M. Oscar de Vallée et le Manuel du spéculateur l’abîme n’est pas le même sans doute, mais il n’est ni moins large ni moins profond, et c’est peut-être encore une question de principe que nous n’avons point d’ailleurs à juger. Les Manieurs d’argent sont une tentative forte et grave de la part d’un homme à qui sa situation donne du poids ; mais, disons-lefranchement, ce n’est qu’une tentative ; et il semble d’abord que M. de Vallée lui-même, en face du grand problème financier, ait été saisi de cette incertitude dont nous parlions tout à l’heure et à laquelle tant de gens ont cédé. Quelle est la conclusion des Manieurs d’argent ? se demande-t-on. Comme homme et comme magistrat M. Oscar de Vallée devait porter en lui assez de sainte colère pour armer sa plume d’une barbe enflammée, ou tout au moins pour conclure en juge. Évidemment il n’a pas bien su que résoudre à propos de ce mal qui nous ronge et dans lequel on s’obstine à voir une source de bien pour l’avenir : sa situation commandait à son langage autant de gravité, mais non autant de mollesse. Les Manieurs d’argent en seront bientôt à leur quatrième édition. — Qu’est-ce que ce livre ? se dit la foule des lecteurs. Un pamphlet ? Non, l’auteur n’en pouvait pas faire un. Une satire alors ? C’est lui qui l’assure ; faut-il l’en croire ? Mais c’est donc de l’histoire ? Pas davantage. Ce n’est pas non plus pure œuvre de morale, ce n’est pas, enfin, un sermon, car il y a aussi des anecdotes. Il est vrai que toutes ne sont pas neuves.

Une histoire de Samuel Bernard, puis l’histoire de Law, tels sont les débuts du livre. Law n’a rien à faire ici, va-t-on dire. Mais M. de Vallée a intitulé son ouvrage : Études historiques, et d’ailleurs qu’importe ?

C’était en ce temps où le roi, ayant abaissé la noblesse, le régent acheva de l’avilir. On connaît l’histoire du système ; les mémoires du temps seuls’ont avancé que Law fut un grand larron, les récits postérieurs et désintéressés ne prouvent point cela, et M. de Vallée est bien sévère. Interrogeant le passé sans jamais abandonner le présent du regard, l’écrivain, de déductions en déductions, en arrive à faire des tentatives désespérées de l’aventurier Law l’origine du système sensualiste qui triompha peu après. Cela est-il vrai ? cela est-il juste ? Quoi qu’il en soit, ce fut le parlement qui le premier éleva la voix contre ce système, tandis que le haut clergé au contraire se faisait honneur de travailler à la conversion de l’Écossais. Était ce de sa part révolte de conscience ? Étaient-ce de hautes visées qui le faisaient agir ? Nullement. La réussite du système pouvait déranger le vieil équilibre de l’État, voilà tout. Ce n’était point contre l’immoralité des innovations introduites par l’Écossais, mais contre les innovations elles-mêmes, que le parlement se soulevait. Les corps judiciaires nous ont souvent donné de ces spectacles ; souvent ils sont demeurés en arrière du mouvement social, parce que la loi qu’ils appliquent ne répond plus aux (besoins du pays qu’elle gouverne. D’Aguesseau