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assemblées populaires dans notre sens, où tout le monde participe. D’abord les esclaves, qui formaient la majorité de la population, en étaient exclus. C’était une véritable démocratie des classes moyennes. Et cette démocratie ne plaisait pas à un homme d’une grande culture, d’origine aristocratique comme Platon. Son communisme aristocratique était une réaction contre la démocratie. La démocratie des classes moyennes a été considérée par Platon comme quelque chose d’inférieur. Cette même démocratie, ne comprenant rien aux idées de Socrate, l’a condamné à mort. Il est compréhensible que Platon ait cherché un idéal social où ce soit l’élite seule qui gouverne, — non l’élite basée sur la naissance, mais l’élite basée sur la valeur intellectuelle et morale, ce qui est le fond même d’une aristocratie (en grec, cela veut dire : domination des meilleurs). Voilà quel était l’idéal abstrait — parce que basé sur le rêve individuel — de Platon.

Le trait principal de caractère utopique s’est manifesté surtout par l’abondance de toute base de classe, de toute base sociale pour la réalisation de la République Idéale. Platon ne se base sur aucune classe. Il est à la recherche du bon tyran. Il a été invité par le tyran de Syracuse, qui voulait s’attacher à sa Cour un grand philosophe comme Platon. Platon avait accepté avec joie cette proposition du tyran de Syracuse. Mais bientôt il dut se convaincre que le tyran ne voulait pas réaliser la république idéale, et il s’enfuit de Syracuse.

Je passe maintenant à son disciple, et en même temps adversaire, Aristote.

Il est vraiment humiliant pour nous, au point de vue social, de penser qu’après vingt-cinq siècles, on n’a pas pu trouver contre le communisme des arguments qui aient été formulés d’une façon plus claire, plus noble, plus géniale que par Aristote. Si vous comparez le deuxième livre de la Politique d’Aristote, où il expose, avec une grande estime pour son maître, ses objections contre le communisme, vous trouverez ses objections infiniment supérieures aux objections faites par un grand philosophe de notre temps comme Herbert Spencer, qui a écrit l’Individu contre l’Etat, sans même parler des publicistes, des hommes politiques — comme Eugène Richter, le chef du Parti progressiste d’Allemagne — d’Yves Guyot, qui s’est déshonoré par un livre sur la Théorie socialiste, ni des objections vulgaires que la presse quotidienne adresse au socialisme qu’elle est incapable de comprendre.

Toute la philosophie d’Aristote était la contre-partie de celle de Platon. Si Platon était idéaliste, Aristote était avant tout réaliste. Il ne considérait pas que les idées ont une existence propre. C’était le savant le plus encyclopédique qui ait jamais existé. Né en 384 avant Jésus-Christ, mort en 422, fils d’un médecin du roi