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critique systématique, ce démolisseur qui a tout démoli, qui voulait, lui aussi, que tous les rois deviennent philosophes et que les philosophes soient rois, — Voltaire était une espèce de roi non couronné, — ce critique impitoyable s’est arrêté devant l’existence de Dieu protecteur du règne. Il ne faut pas toucher à Dieu, parce que si vous démolissez Dieu, vous démolirez la base même des privilèges.

En se basant sur cette méthode critique, sur cette méthode rationnelle, Morelly, le communiste classique du XVIIIe siècle, a fondé et développé son idéal communiste. Morelly nous intéresse non seulement parce que c’est un grand précurseur du communisme et des idées communistes, parce qu’il a inspiré Charles Fourier et Babeuf. Cela a été constaté pour Babeuf dans l’histoire du socialisme, non pour Charles Fourier, mais nous l’étudierons.

Morelly nous intéresse aussi pour cette raison qu’en l’étudiant, nous retrouvons la réfutation de cet argument banal, constant, de tous les jours, qu’on oppose au communisme. On dit : « Vous voulez changer la nature humaine ; la nature humaine est vicieuse. » Et tous ceux qui affirment cela pensent naturellement non à leur propre personne, mais à leurs voisins. Et tous affirment la même chose : « Il n’y a pas de possibilité pour le communisme de se réaliser, parce que l’on ne change pas la nature humaine. La misère a toujours existé, parce que le vice a toujours existé. Elle existe, elle existera toujours. »

Morelly commence précisément par démolir cet argument.

Mais, d’abord, je dirai quelques mots sur Morelly lui-même. On ne sait que très peu de choses sur sa biographie. Tout ce qu’on sait — et encore — c’est qu’il est probablement né à Vitry-le-François, en 1709, c’est-à-dire qu’on ne connaît rien de sa vie. Mais on connaît le titre de ses ouvrages. Ce sont : Essai sur l’Esprit humain, publié à Paris, en 1743 ; Essai sur le Cœur humain (1745) ; Physique de la Beauté ou Pouvoir naturel de ses Charmes (Amsterdam, 1748), et deux ouvrages de moindre importance. Mais ce qui nous intéresse avant tout, ce sont ses deux ouvrages principaux : Le Naufrage des Iles flottantes ou la Basiliade (par les mots « Iles flottantes », il indique les préjugés) et surtout ; Le Code de la Nature ou le Véritable Esprit et ses Lois, publié en 1755. Le nom de l’éditeur n’a pas été indiqué, parce que le livre était trop dangereux.

Le Code de la Nature, nous l’étudierons dans ses thèses principales, pour les raisons que je viens de vous expliquer, parce