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« Comme ces hommes sont les français les plus essentiellement producteurs, ceux qui donnent les produits les plus importants, ceux qui dirigent les travaux les plus utiles à la nation, et qui la rendent productive dans les sciences, dans les beaux-arts et dans les arts et métiers, ils sont réellement la fleur de la société française ; ils sont, de tous les Français, les plus utiles à leur pays, ceux qui lui procurent le plus de gloire, qui hâtent le plus sa civilisation ainsi que sa prospérité ; la nation deviendrait un corps sans âme à l’instant où elle les perdrait ; elle tomberait immédiatement dans un état d’infériorité vis-à-vis des nations dont elle est aujourd’hui la rivale, et elle continuerait à rester subalterne à leur égard tant qu’elle n’aurait pas réparé cette perte, tant qu’il ne lui aurait pas repoussé une tête.

Passons à une autre supposition.

« Admettons que la France conserve tous les hommes de génie qu’elle possède dans les sciences, dans les beaux-arts et dans les arts et métiers, mais qu’elle ait le malheur de perdre le même jour, Monsieur, frère du Roi, Monseigneur le duc d’Angoulême, Monseigneur le duc de Bourbon, Madame la duchesse d’Angoulême, Madame la duchesse de Berry, Madame la duchesse d’Orléans, Madame la duchesse de Bourbon et Mlle de Condé.

« Qu’elle perde en même temps tous les grands officiers de la Couronne, tous les ministres d’Etat {avec ou sans départements), tous les conseillers d’Etat — y compris Blum (rires) — tous ses maréchaux, tous ses cardinaux, archevêques, évêques, grands-vicaires et chanoines, tous les préfets et sous-préfets, tous les employés dans les ministères, tous les juges, et, en sus de cela, les dix mille propriétaires les plus riches parmi ceux qui vivent noblement.

« Cet accident affligerait certainement les Français, parce qu’ils sont bons, parce qu’ils ne sauraient voir avec indifférence la disparition subite d’un aussi grand nombre de leurs compatriotes. Mais cette perte de trente mille individus, réputés les plus importants de l’Etat, ne leur causerait de chagrin que sous un rapport purement sentimental, car il n’en résulterait aucun mal politique pour l’Etat ».

D’abord, par la raison qu’il serait très facile de remplir les places qui seraient devenues vacantes, il existe un grand nombre de Français en état d’exercer les fonctions de frère du Roi, aussi bien que Monsieur ; beaucoup sont capables d’occuper les places de prince tout aussi convenablement que Monseigneur le Duc d’Angoulême, que Monseigneur le Duc de Berry, que Monseigneur le Duc d’Orléans, que Monseigneur le Duc de Bourbon ; beaucoup de Françaises seraient aussi, bonnes princesses que Madame la Duchesse d’Angoulême, que Madame la Duchesse de Berry, que Mesdames d’Orléans, de Bourbon et de Condé.

Les antichambres du Château sont pleines de courtisans prêts à occuper les places de grands-officiers de la Couronne ; l’armée possède une grande quantité de militaires aussi bons capitaines que