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nos maréchaux actuels. Que de commis valent nos ministres d’Etat ! Que d’administrateurs plus en état de bien gérer les affaires des départements que les préfets et les sous-préfets présentement en activité ! Que d’avocats aussi bons jurisconsultes que nos juges ! Que de curés aussi capables que nos cardinaux, que nos archevêques, que nos évêques, que nos grands-vicaires et que nos chanoines ! Quant aux dix mille propriétaires vivant noblement, leurs héritiers n’auront besoin d’aucun apprentissage pour faire les honneurs de leurs salons aussi bien qu’eux.

La prospérité de la France ne peut avoir lieu que par l’effet et en résultat des progrès des sciences, des beaux-arts et des arts et métiers ; or, les princes, les grands-officiers de la Couronne, les évêques, les maréchaux de France, les préfets et les propriétaires oisifs ne travaillent point directement au progrès des sciences, des beaux-arts, des arts et métiers ; loin d’y contribuer ils ne peuvent qu’y nuire, puisqu’ils s’efforcent de prolonger la prépondérance exercée jusqu’à ce jour par les théories conjecturales sur les connaissances positives ils nuisent nécessairement à la prospérité de la nation, en privant comme ils le font les savants, les artistes et les artisans du premier degré de considération qui leur appartient légitimement ; ils y nuisent puisqu’ils emploient leurs moyens pécuniers d’une manière qui n’est pas directement utile aux sciences, aux beaux-arts et aux arts et métiers ; ils y nuisent, puisqu’ils prélèvent annuellement, sur les impôts payés par la nation, une somme de trois à quatre cents millions sous le titre d’appointements, de pensions, de gratifications, d’indemnités, etc., pour le payement de leurs travaux qui lui sont inutiles.

Ces suppositions mettent en évidence le fait le plus important de la politique actuelle ; elles placent à un point de vue d’où l’on découvre ce fait dans toute son étendue et d’un seul coup d’œil ; elles prouvent clairement, quoique d’une manière indirecte, que l’organisation sociale est peu perfectionnée ; que les hommes se laissent encore gouverner par la violence et par la ruse, et que l’espèce humaine (politiquement parlant) est encore plongée dans l’immoralité.

Puisque les savants, les artistes et les artisans, qui sont les seuls hommes dont les travaux soient d’une utilité positive à la société, et qui ne lui coûtent presque rien, sont subalternisés par les princes et par les autres gouvernants qui né sont que des routiniers plus ou moins incapables.

Puisque les dispensateurs de la considération et des autres récompenses nationales ne doivent, en général, la prépondérance dont ils jouissent qu’au hasard de la naissance, qu’à la flatterie, qu’à l’intrigue ou à d’autres actions peu estimables ;

Puisque ceux qui sont chargés d’administrer les affaires publiques se partagent entre eux, tous les ans, la moitié de l’impôt, et qu’ils n’emploient pas un tiers des contributions, dont ils ne