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ainsi que l’a fait Saint-Simon. Fourier ne rêve pas de fonder une nouvelle science, de donner à la science sociale l’exactitude mathématique des sciences naturelles dites exactes. C’est avant tout un homme pratique, un homme d’action, un homme de réformes et de réalisation immédiate.

Saint-Simon, vous le savez, est le précurseur de la méthode de Marx, le co-fondateur du positivisme d’Aug. Comte, son élève, de la méthode scientifique dans les sciences sociales.

Fourier n’a pas cette prétention ; il prétend, en revanche, avoir inventé, — je le répète, car ce mot est la caractéristique de l’utopiste qu’était Fourier — il prétend avoir inventé un nouveau système de rapports sociaux qui rendra l’humanité heureuse : le système de l’association ou de la coopération. Il est, avec Robert Owen, le véritable père de la coopération, ou plutôt le théoricien de la coopération.

Quelques mots tout d’abord de sa vie.

Il est sorti des classes moyennes. Son père, qui habitait Besançon, y était un notable commerçant ; c’était une des premières familles commerciales. Il a laissé une fortune assez considérable, pour l’époque, à son fils.

Dès sa première jeunesse, Fourier aide son père dans le commerce. A l’âge de cinq ans, il a été puni par son père pour avoir dit la vérité, et c’est sa première impression durable ; dans le commerce, il ne faut pas dire la vérité, c’est un des principes commerciaux.

C’est alors qu’il a compris toute la fourberie de notre régime social capitaliste qu’il appelle ensuite le régime d’incohérence et de « la civilisation ». Pour lui, la civilisation capitaliste, c’est la barbarie, c’est l’incohérence, c’est la civilisation morcelée, c’est-à-dire l’individualisme. Chacun ne considère que son intérêt, qu’il comprend d’ailleurs très mal, et mène une lutte à mort contre ses semblables, au lieu d’associer ses efforts aux leurs et produire des résultats admirables. Ces efforts sont pulvérisés, morcelés, divisés, dispersés, et au lieu de s’harmoniser, ils sont à l’état d’incohérence. C’est l’idée fondamentale de la doctrine fouriériste.

Une autre expérience de sa propre vie l’a poussé également à la critique, la plus acerbe et géniale du régime mercantile actuel. Quand il était commis dans une maison de commerce à Marseille, il a reçu l’ordre de jeter un grand nombre de quintaux de riz à la mer, pour « corser » les prix de cette denrée. Cela lui a paru tellement absurde qu’il a commencé