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Ce qui caractérise Fourier, c’est un véritable génie inventif et une originalité remarquable. Il a même érigé un système très original ; il prêchait, comme il disait, le « grand écart ». Ce n’est pas, pour lui, un terme chorégraphique. Pour lui, le « grand écart » n’a rien de la danse ; cela voulait dire : s’écarter le plus possible de toutes les idées, de tout ce que les hommes considèrent comme vrai, comme bon, comme juste.

Et il réclamait aussi le doute absolu : il faut douter de tout, modifier tout, changer tout.

Fourier, comme tous les autres, utopistes, — sauf Mably —, n’aimait pas la Révolution. Lui aussi, employait comme grand argument, pour son système, l’idée de faire l’économie d’une révolution. « Acceptez ma réforme sociale, dit-il, acceptez mon plan de transformation sociale, et vous aurez fait l’économie d’une révolution, vous aurez évité la violence ». D’ailleurs ; comme Saint-Simon, il était en partie victime de la révolution. La révolution l’avait ruiné à peu près. Il se battait même contre la révolution.

Son premier ouvrage, ou plutôt son premier article, date de 1803. Il était à cette époque à Lyon. Il a publié une étude sur la situation de l’Europe, dans laquelle il prédisait une catastrophe qui causerait une guerre épouvantable et qui se terminerait par la paix perpétuelle. Comme dans toutes les prophéties, il n’y a qu’une moitié de celle-ci qui s’est réalisée. Il termine son article par cette phrase : « La vérité que vous cherchez depuis deux mille cinq cents ans va paraître pour votre confusion. Les sciences politiques et morales ont plus duré qu’elles ne dureront. »

Il est curieux de constater que c’est en cette même année que fut publié le premier écrit de Saint-Simon dont je vous ai parlé : « Lettres d’un Habitant de Genève » à Napoléon, Premier Consul de France.

Napoléon, qui suivait avec grande attention toutes les manifestations de l’esprit en France, s’est intéressé à ce publiciste et comme résultat, a interdit au journal de publier ses articles politiques. C’est aussi le sort de tous les utopistes. Ils n’ont confiance que dans le pouvoir constitué ; ils s’adressent aux puissances du jour, et le premier obstacle pour la propagation de leurs idées, c’est précisément ce pouvoir constitué, ces puissances du jour.

La philosophie fouriériste, l’idée fondamentale, la base