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psychologique du système de Fourier, c’est sa théorie des passions, qui se base sur l’idée dominante du XVIIIe siècle, à savoir que la nature est bonne en elle-même ; que si l’homme est vicieux dans sa vie, dans ses institutions, ce n’est pas la faute de la nature qui a créé l’homme parfait, en tout cas perfectible, capable de se perfectionner, c’est la faute au milieu et aux institutions, à la conduite de l’homme, à la civilisation, c’est-à-dire à ce qui est artificiel ; à ce qui peut être opposé à la marche normale, naturelle des choses, et au fond, il base cette idée sur une sorte de théologie. Il est impossible, disait Fourier, que Dieu ait créé l’homme anormal. De deux choses l’une : ou Dieu est un imbécile et ne comprenait pas sa propre créature, ou il est incapable. Naturellement, du moment qu’on a la notion de Dieu comme un être absolu, suprême, comme un créateur de tout, on ne peut admettre ni l’impuissance, ni l’imbécillité de Dieu.

Donc, Dieu a créé l’homme parfait. S’il lui a donné des passions, ces passions ne peuvent pas être mauvaises. Elles doivent faire le bonheur de l’homme. C’est seulement la direction que la Société donne à ces passions qui est mauvaise, ce ne sont pas les passions elles-mêmes. Les passions sont bonnes, je le répète. Elles sont parfois des fouets nécessaires, des mobiles, des motifs qui nous font agir, vivre. Sans les passions, l’homme serait néant et nul ; ce sont les passions qui forment la trame de sa vie, et c’est un bien, c’est la vie de l’homme. D’ailleurs, Saint-Simon disait aussi : « Sans grande passion, sans grand enthousiasme, on ne peut faire rien de grand. »

Voilà un des passages les plus caractéristiques sur la théorie des passions de Charles Fourier, qui mérite toute votre attention, parce que cette théorie s’oppose à des milliers et des milliers de traités de la morale dominante, surtout de la période scolastique et théologique, cette morale qui défend en théorie tout ce qui est naturel et combat les passions tout en permettant de les pratiquer en cachette, comme disait Henri Heine : « Ils prêchent publiquement l’eau et boivent secrètement du vin. »

« Les passions, dit Fourier, qu’on a cru ennemies de la concorde et contre lesquelles on a écrit tant de milliers de volumes qui vont tomber dans le néant, les passions, dis-je, ne tendent qu’à la concorde, qu’à l’unité sociale dont nous les avons crues si éloignées ; mais elles ne peuvent s’harmo-