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Page:Le Socialisme VIII et IX. Les Précurseurs du Socialisme moderne P.-J. PROUDHON - Charles RAPPOPORT.pdf/24

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Donc, l’idée fondamentale de l’anarchie est une idée juste, une idée communiste, le point d’arrivée de toute notre action. C’est la suppression — notre but final — de tout Etat, de toute exploitation politique de l’homme par l’homme. Cette exploitation politique, le pouvoir politique, cette dictature provisoire du prolétariat dont nous avons besoin maintenant, sera remplacée par l’administration nécessaire des choses. Si dans notre société communiste il y a un pouvoir, ce sera exclusivement le pouvoir nécessité par la fonction elle-même. Le directeur d’une usine aura un certain pouvoir, non parce qu’il est directeur, non parce qu’il veut dominer les ouvriers, mais parce que le travail collectif demande un certain ordre, une direction, et que cette direction doit être confiée à un homme qui est capable de l’exercer. Rien ne doit être donné comme pouvoir à l’individu qui ne soit justifié par la fonction, par une nécessité économique ou sociale inéluctable.

Mais l’anarchie — l’absence de toute direction, de toute domination, de toute subordination, de toute discipline — comme tactique, c’est autre chose. Et Proudhon n’a jamais distingué, dans ce cas, entre le but final et la tactique. Naturellement, vous trouverez, même sur ce point capital de— la tactique proudhonienne, vous trouverez encore des contradictions innombrables.

Dans son œuvre posthume — publiée en 1865 — et que je vous conseille de trouver et de lire (cette œuvre s’appelle de la Capacité Politique de la Classe Ouvrière), dans cette œuvre qui a été laissée en manuscrit et qui a été publiée après sa mort, il résume toute sa doctrine. Là vous trouverez cette contradiction : Proudhon félicite la classe ouvrière d’avoir posé des candidatures ouvrières. C’est par cela, dit-il, que la classe ouvrière affirme son idée, qu’elle s’oppose à toutes les autres classes, qu’elle démontre qu’elle a une mission historique spéciale, qu’elle ne s’incline pas devant des hommes qui portent des chapeaux haut-de-forme et des faux-cols, que la classe ouvrière — comme classe ouvrière — s’affirme et veut voir ses représentants au pouvoir politique, dans les Parlements. Voyez, cela n’a rien d’anarchiste. C’est même électoral.