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Page:Le Socialisme VIII et IX. Les Précurseurs du Socialisme moderne P.-J. PROUDHON - Charles RAPPOPORT.pdf/28

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importance et qui a joué un grand rôle dans l’œuvre de Proudhon : Dans deux volumes — écrits d’ailleurs de sa meilleure encre — il a fait l’apologie la plus éloquente, la plus vigoureuse de la guerre. Encore victime de sa méthode idéaliste, il a découvert « le droit de la force ». La force, a-t-il dit, a son droit. Du moment que vous êtes le plus fort, vous avez le droit. Toutes les déclamations contre la guerre ne peuvent rien contre la guerre. La guerre est dans la nature même. La guerre est une sorte de duel, un jugement de Dieu, par lequel celui qui a supériorité, la force, est, de droit, le véritable maître de la situation.

Dans ces deux volumes La Guerre et la Paix, les capitalistes, les militaristes de tous les temps et de toutes les nations peuvent puiser de véritables arguments — ou plutôt l’appui d’une grande autorité.

Comment expliquer cette œuvre sur la guerre et la paix, ces doctrines affirmant le droit de la force. On peut, peut-être l’expliquer, non seulement par la méthode idéaliste, parce que tout de même, Proudhon pensait plus profondément certains problèmes que le public ordinaire. Il avait peut-être le pressentiment de cette doctrine de Darwin, cette affirmation applicable à toutes les sciences biologistes, du principe de la lutte pour l’existence. C’est la doctrine que vous connaissez sous le nom de doctrine de sélection : ce sont les plus forts, les mieux doués qui survivent et qui méritent de survivre. Mais, sous la forme de l’apologie de la guerre, naturellement, vous le comprenez très bien, c’est non seulement une erreur pratique, mais une erreur scientifique, parce que la guerre n’est pas la véritable sélection des meilleurs. En admettant même que ce sont toujours les plus forts qui remportent la victoire, ce qui n’est pas vrai, car les plus faibles se coalisent, s’ils tombent sur le fort endormi ou désarmé, s’ils profitent de circonstances, fortuites et accidentelles, c’est le plus fort qui succombe. On peut être une nation vigoureuse, extrêmement douée, forte, qui a toutes les chances de la vitalité, qui a toutes les supériorités possibles. Mais si cette nation se trouve à un moment donné, isolée ou désarmée, si les autres nations plus nombreuses, si le monde entier se coalise contre cette