Page:Le Songe de Poliphile - trad. Popelin - tome 1.pdf/297

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stante ; d’autant plus que le dedans concordait exactement avec le dehors. Enfin, étant parvenu de nouveau sur la place, je vis, sculptés parfaitement sur le pourtour du soubassement en porphyre, les hiéroglyphes suivants : d’abord un crâne de bœuf portant deux instruments aratoires pendus aux cornes, un autel, appuyé sur des pieds de bouc, avec une flamme ardente, puis un bassin, puis une aiguière, puis un peloton de fils enroulé après un fuseau, un vase antique avec l’orifice bouché, une semelle avec un œil et deux branches entre-croisées, l’une d’olivier, l’autre de palmier, une ancre, une oie, une lampe ancienne, un timon antique garni d’un rameau d’olivier chargé de fruits, enfin deux hameçons, un dauphin et un coffre clos. Ces hiéroglyphes étaient on ne peut mieux sculptés. C’est ainsi qu’après y avoir pensé, j’interprétai cette vieille écriture sacrée :

EX LABORE DEO NATVRÆ SACRIFICA LIBERALITER, PAVLATIM REDVCES ANIMVM DEO SVBJECTVM. FIRMAM CVSTODIAM VITÆ TVÆ MISERICORDITER GVBERNANDO TENEBIT, INCOLVMEMQVE SALVABIT[1].

Ayant laissé cette excellente, cette mystérieuse, cette inimaginable figure, je fus examiner de nouveau le prodigieux cheval. Sa tête était osseuse et maigre, petite en proportion. Il avait tout à fait l’air de ne pouvoir tenir en place et démontrait l’impatience de tout retard. On croyait voir frémir ses chairs, et il semblait

  1. Sacrifie libéralement ton labeur au Dieu de nature, peu à peu tu rendras ton âme soumise à la Divinité qui, miséricordieusement, sera la gardienne de ta vie, qui la gouvernera et la maintiendra saine et sauve.