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diagonales dans la première figure, on forme ainsi quatre triangles ; si l’on mène deux perpendiculaires de leur sommet sur leur base, on divise en quatre carrés égaux l’espace compris en ABCD. On marque quatre points sur le milieu des côtés égaux[1] de la figure annexée, et, en conduisant des lignes de l’un à l’autre de ces points, on construit un rhombe[2].

Quand j’eus tracé de cette façon les susdites figures, je me demandai comment les modernes peuvent, dans leur aveuglement, s’estimer habiles en l’art de bâtir, alors qu’ils ne savent même pas ce que c’est, tant ils conduisent en dehors de toutes règles leurs misérables édifices sacrés ou profanes, publics ou privés, et, négligeant les enseignements de la nature même, ne tiennent aucun compte des parties moyennes. C’est une parole d’or, une parole céleste, que celle du poète quand il affirme que là seulement gisent la vertu et le bonheur[3]. C’est en négligeant cette partie centrale qu’on tombe nécessairement dans le désordre, et que toute chose sonne faux. Car toute partie qui n’est pas congruente à son principe est ridicule, et, si vous écartez l’ordre et la règle, quelle œuvre paraîtra donc commode, agréable et digne ? Or la cause d’une erreur aussi inconvenante procède d’une ignorance obstinée et provient de l’absence de lettres.

Néanmoins, bien que la perfection d’un art très-élevé ne doive s’écarter de son canon, l’habile et ingénieux architecte peut, par des adjonctions ou des ablations, donner à son œuvre le fini et la rendre plaisante à la vue. Mais il importe, par-dessus tout, qu’il conserve le massif intact et le concilie avec le tout. J’ap-

  1. Sopra le isopleuri, du Grec ισόπλεuροσ, équilatéral.
  2. Losange.
  3. Virtus est medium vitiorum… (Horace.)