Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/76

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LE SYLPHE — Ni la belle Touraine, éternelle Floride Où la Loire déroule en paix ses longs flots bleus ; Ni l'Armorique au roc celtique, âpre et sauvage, Dont les menhirs poudreux, les chênes chevelus Semblent jeter de loin leurs saluts au rivage Que le barde aux cheveux cendrés ne chante plus ; Ni la chaude Provence aux déserts de lumière, — Barque de baume errant amarrée au flot d'or, Vierge dans ses atours, coquette et printanière, Mireille que Mistral avec sa harpe endort, A l'heure où les pêcheurs, las des courses profondes, A travers les écueils sur la vague émergeant, Se reposent le long des moissons déjà blondes, Sous les molles lueurs des étoiles d'argent ! Ni l'Aquitaine, cuve énorme où naît ivrogne L'Esprit, tout pétillant de verve et de gaîté, Au grondement lointain des fleuves de Gascogne, Ou des gaves, hurlant aux orages d'été ; Ni ces plages d'azur, vaste nid de ruines, Où d'errantes tribus vont, chassant et priant, Sous l'œil du marabout dont les lèvres divines Fredonnent l'hymne saint des prêtres d'Orient!. . . — Ah! quand mon souvenir au fond du passé plonge, Quand je revois le ciel paisible où je suis né, Que de fois je me dis : « Tout est leurre et mensonge, Hors les sommets alpins, hors notre Dauphiné ! » Paul BOUVIER.