Page:Le Tac - Histoire chronologique de la Nouvelle France, ou Canada, 1888.djvu/16

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Préface.

Imaginez cependant un homme du XVIIe siècle, un de ceux qui ont vu grandir et se développer sous l’impulsion de Colbert, — non pas autant qu’elle l’eût pu faire cependant, — cette « Nouvelle France » d’Amérique dont les destinées, contraires aux vœux des Français, n’ont pourtant pas entièrement trompé nos patriotiques espérances ; — imaginez cet homme mêlé au vif des querelles qui divisèrent alors maintes fois le pouvoir civil et le pouvoir ecclésiastique et mirent aux prises les deux grandes congrégations missionnaires du temps, les Jésuites et les Récollets ; imaginez cet homme, lui-même portant la robe de bure du moine mendiant, jaloux des prérogatives de son ordre, étouffant mal la colère qui remplit son cœur contre les audacieuses menées de l’ordre rival, de l’ordre qu’a flétri Pascal, et se promettant de parler, de déchirer les voiles, de dénoncer les intrigues et les complicités… Il parle en effet, il entreprend de conter, depuis ses origines, — devançant en cela le Père jésuite Charlevoix, — l’histoire du pays qu’il habite, où son ordre a planté la croix des premières missions, où il a tenu école, prêché, évangélisé, porté le viatique aux mourants. Il écrit son livre tout chaud du feu intérieur qui couve en son cœur, et parfois, — quand il touche au sujet scabreux des Jésuites et de leurs trames secrètes pour supplanter les Récollets, — tout bouillant de lave, tout frémissant des grondements d’une colère mal contenue. Il dira à son supérieur général à qui son livre est d’abord soumis, il dira à ses frères les Récollets de France, il fera savoir au grand public, à la postérité, les services que les Récollets voulaient rendre au Canada et comment ils en ont été empêchés par les mines que les Jésuites