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a la charge de la paillardise, qui de la marchandise : a chaque race d’artisans un Dieu… il en est de si chétifs et populaires (car le nombre en étoit autrefois si grand, qu’il montoit bien au moins jusqu’à 36 mille), qu’ils en entassoient bien 5 à 6 mille à produire un seul épic de bled, ils en mettoient 3 à une porte, un à l’ais, un aux gonds et un au seuil, 4 à un enfant, un qu’ils faisoient protecteur de son maillot, un autre de son boire, un autre de son manger et un autre de son tette lesquels étoient tous adorés par diverses sortes d’adorations. De sorte que c’est pitié, dit le Sr. de Montagne, de voir que les hommes se pipent eux-mêmes de leurs propres singeries et inventions, comme les enfans, dit-il, qui s’effraïent de ce même visage, qu’ils ont barbouillé et noirci à leur compagnon.

Il n’y a chose, dit Pline[1] qui démontre plus l’imbécilité des hommes que de vouloir assigner quelqu’image ou effigie à la divinité. C’est grande folie, dit-il, de croire qu’il y en ait, et encore plus grand rage d’établir des Dieux selon les vertus et les vices des hommes, comme chasteté, concorde, courage, espérance, honneur, clémence, foi etc., mais toutes ces déités viennent, ajoutent-ils, de ce que les hommes fragiles et chargés de travaux aïant devant les yeux leur pauvreté et infirmités, adoroient respectivement les choses dont ils avoient plus de besoin. De là vient, continue-t-il, que les Dieux commencèrent à changer de nom, selon la dévotion des régions, et qu’en une même région, on trouvoit une infinité de Dieux, entre lesquels même on

  1. Pline, Liv. 2, 7.