Page:Le Testament de Jean Meslier - Tome 1, 1864.pdf/41

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conviction soi-disant religieuse, la foi militante, ne fasse plus de chefs-d’œuvre d’art, quoiqu’elle ne produise plus de saintes victimes du fanatisme et de l’hystérie, quoiqu’elle n’élève plus de bûchers ou de poteaux, la foi latente règne comme par le passé, elle règne soit dans les pensées, soit dans les mots, elle règne par l’ignorance, par la cupidité ou par la lâcheté. Tout croit en Dieu ou fait semblant d’y croire, — un siècle après Meslier, Diderot et d’Alembert.

Le peuple croit tout bonnement parceque son labeur de chaque jour ne lui laisse pas le temps de s’occuper d’un autre but que de celui de prolonger son existence ; l’aristocratie croit par paresse ou bien elle fait semblant de croire, parcequ’elle trouve son compte à l’ignorance du peuple. Je comprends tout cela et je le deplore ; mais je ne m’en indigne pas. Si au contraire, parmi les gens du peuple et parmi les gens du monde, je vois de ces individus qui ont la prétention de vouloir faire exception, qui se posent en moralistes, en législateurs, en prophètes, qui combattent les préjugés, qui s’attaquent aux mœurs et aux usages de leurs temps, qui s’indignent des abus de pouvoir, des mensonges officiels, de l’anthropomorphisme systématique des docteurs et de la servitude spirituelle des laïques, je rougis de ceux-là qui se disent appelés à régénérer la société ! car tout ce qu’ils font par la pression naturelle de leur bon-sens, ils ne le font qu’avec les ménagements et les circonlocutions nécessaires à des succès plus bruyants qu’utiles ; ils ont peur de dire la vérité, pleine et entière, le courage leur manque pour se servir des mots qui seuls expriment leurs idées. De là, ces disputes inutiles sur le sens d’un mot, ces dissentiments sur l’opinion du maître, entre les disciples d’un penseur défunt, cette guerre ouverte entre les apôtres du progrès, de là enfin la lenteur désespérante dans la marche de la civilisation.

Tandis que l’Allemagne actuelle semble vouloir expier l’obscurité des œuvres de ses philosophes par la critique scientifique de ses théologiens modernes, et nommément par les travaux de l’école de Tubingue et par la secousse qu’elle a donnée à la popularisation