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des sciences naturelles, la France du XIXe siècle renie son glorieux passé, sa grande ère des encyclopédistes, et tout en s’associant aux travaux des naturalistes allemands et en les surpassant même pour ce qui regarde la forme élégante, attrayante et vraiment populaire de ses écrits scientifiques, elle reste loin en arrière de la franchise simple et naïve de ses philosophes du siècle passé, loin en arrière de cette clarté de style, de cet amour sincère de la vérité et de la justice, parfois, de ce gai badinage qui caractérisaient les écrits de ses libres penseurs d’il y a cent ans.

Retrempée par l’étude des sciences positives, la jeune Allemagne secoue graduellement le fardeau des théories et des systèmes de sa philosophie spéculative indigeste, et les petits-fils des encyclopédistes recueillent pieusement cette défroque informe, et se font les imitateurs de ceux qui n’ont su marcher de front avec leurs courageux ancêtres.

Enfant du XIXe siècle, j’ose le dire hautement, et je veux par-là faire acte de mon amour de la vérité et de la justice : le siècle actuel a en soi le germe des grandes choses, que le XVIIIe siècle a déposé dans une terre fertile et généreuse ; mais les frimas de la restauration ont passé par-là, et la lourde croûte qu’ils ont déposée sur ce sol fécondé, oppresse encore le germe et entrave son développement. La génération actuelle regarde l’ère des d’Alembert et des Helvetius à travers l’époque de Joseph de Maistre et de Chateaubriand. Les successeurs des encyclopédistes viennent seulement de naître en France ou tout au plus ils reposent encore emmaillottés dans les langes de la réaction ; mais ils grandiront à vue d’oeil, ils marcheront à grands pas vers l’âge de la maturité, et alors ils ressaisiront le sceptre de leurs aïeux, ce vieux esprit gaulois, ce bon-sens français, cet amour de la vérité, que les évenements peuvent paralyser pour un temps, mais que le fanatisme et le mensonge de la réaction ne sauraient jamais détruire ; car le XIXe siècle a devant lui un avenir brillant, autant que le XVIIIe lui fait dans les annales de la libre pensée un passé plein d’éclat.