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Page:Le Testament de Jean Meslier - Tome 1, 1864.pdf/60

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gence ? — la volonté de ses supérieurs ! — tout était là ; il était rivé sur le banc des condamnés à perpétuité. Malheur à lui si, au contact de l’avilissement, sa conscience avait éclaté ; malheur à lui si, en face de l’opprobre, sa bouche avait dénoncé sa pensée secrète ; malheur à lui si, au moment de la souillure, son cœur avait repoussé l’obéissance aveugle ! Honnête, noble, sublime, il avait souvent à flétrir ce qui est honnête, noble et sublime ; juste, il avait à fouler aux pieds la justice ; véridique, il avait à prôner le mensonge, — ses supérieurs étaient là pour le tancer, pour l’humilier, pour le briser, s’il avait osé un instant oublier en public qu’il n’était que leur créature, et portait leur stygmate. Mais alors si, au milieu de la tyrannie et de l’injustice, au milieu du mensonge et de l’hypocrisie, dont il est victime s’il refuse d’en être complice, son cœur s’enflamme et qu’un cri d’indignation et d’angoisse, refoulé dans sa poitrine durant de longues années, se fasse jour enfin dans son souffle suprême, oh ! n’allez pas alors lui reprocher ce cri si long-temps refoulé. Et si les paroles de son Testament sont âpres et rudes, et si les pensées qu’il y énonce sont sauvages et cruelles, n’allez pas les mesurer d’après vos pensées et vos paroles et lui imputer comme un forfait ou une ignominie, ce qui n’est que l’écho fidèle des forfaits et de l’ignominie des autres, qui ont déchiré son âme de juste, et qui en ont chassé la sérénité pour y porter le délire.

Bonheur à vous si du fond du cœur vous n’avez jamais senti s’éveiller que des pensées douces et suaves, pleines d’amour et de pardon, parce que vous n’avez jamais connu l’esclavage de l’esprit sous la main despotique du prêtre ou du législateur ; mille fois bonheur à vous si, après la lutte contre le mensonge et la tyranie, vous avez su dominer votre esprit et recouvrer la sérénité de votre âme au point de pouvoir aimer et pardonner de nouveau, de ce divin amour, de ce sublime pardon du juste éprouvé. Vous tous dont le calme ne s’est jamais démenti, et vous surtout dont la sérénité est comme le couronne-