Page:Le Testament de Jean Meslier - Tome 1, 1864.pdf/79

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ment un déplaisir pour moi de me voir dans cette obligation-là. C’est pourquoi aussi je ne m’en suis jamais acquité qu’avec beaucoup de répugnance et avec assez de négligence, comme vous aurez pû le remarquer.

Voici ingenuement ce qui m’a prémièrement porté à concevoir le dessein, que je me propose d’exécuter. Comme je sentois[1] naturellement en moi-même, que je ne trouvois rien de si doux, de si agréable, de si aimable et de si désirable dans les hommes, que la paix, que la bonté, que l’équité, que la vérité et la justice, qui devoient, ce me sembloit-il, être pour les hommes mêmes des sources inestimables de biens et de félicité, s’ils conservoient soigneusement entr’eux de si aimables vertus que celles-là ; je sentois naturellement aussi en moi que je ne trouvois rien de si odieux, de si détestable et de si pernicieux que les troubles et les divisions, que la malice du mensonge, que l’injustice, l’imposture et la tirannie, qui détruisent et amortissent dans les hommes, tout ce qu’il pouroit y avoir de meilleur en eux : et qui, pour cette raison, sont les sources fatales, non-seulement de tous les vices et de toutes les méchancetés, dont ils sont remplis ; mais aussi les causes malheureuses de tous les maux et de toutes les misères, dont ils sont accablés dans la vie.

Dès ma plus tendre jeunesse, j’ai entrevû les erreurs et les abus, qui causent tant de si grands maux dans le monde. Plus j’ai avancé en âge et en connoissance, plus j’ai reconnus l’aveuglement et la mé-

  1. Hoc sentite in vobis. Sentez aussi cela en vous-mêmes. Philip. II. 5.